Une petite section en pointillés
La maîtresse de Tisane est malade. Gravement malade. Le genre de maladie que tu pries le ciel pour ne pas avoir. Et donc la maîtresse de Tisane est souvent absente. Elle a été absente une semaine en octobre, une semaine en janvier, une semaine et demie avant les vacances de février. Et là, elle est à nouveau absente pour une semaine. Ou plus. On verra bien lundi prochain. Mon énervement n'est absolument pas dû à ces absences prolongées. Je ne peux que compatir et souhaiter qu'elle se rétablisse vite.
Non, ce qui me met vraiment en colère, c'est son non-remplacement. Bien évidemment, ils ne refoulent pas les enfants le matin, il ne manquerait plus que ça! les enfants sont répartis dans les 5 autres classes, au hasard. Ils changent d'enseignant et de groupe à chaque demie-journée (c'est un peu le principe du premier arrivé premier servi). Avec un peu de chance, ils se retrouvent avec des enfants de leur niveau et peuvent donc s'intéresser aux activités proposées. S'ils se retrouvent avec les grandes sections, on leur donne une feuille, un crayon, et ils se débrouillent. Et encore, les enseignants sont déjà bien gentils d'accueillir dans leur classe déjà surchargée (27-28 élèves) 5 autres petits qu'ils ne connaissent pas et dont ils vont avoir la responsabilité.
Pourquoi cette maîtresse n'est-elle pas remplacée? tout simplement parce qu'il n'y a plus de remplaçant disponible. Et pourquoi n'y a-t-il plus de remplaçant disponible? Parce que le gouvernement précédant a choisi de supprimer des postes, dont des postes de remplaçants. A la rentrée 2012, ce sont 1020 postes qui ont été supprimés dans mon académie, sur 12 650 en France. 399 dans le primaire, 589 dans le secondaire, et 32 postes administratifs. En 2011, il y en avait eu 865. Depuis 1998, les postes ne cessent d'être supprimés... alors que cela fait environ 3 ans qu'il n'y a plus de baisse démographique. Nous sommes l'une des académies les plus touchées, alors que notre région souffre socialement, économiquement, et en termes éducatifs.
Pour Tisane, ce problème n'en est pas vraiment un. Je suis à la maison, je peux la garder sans souci et je le fais car je préfère qu'elle soit avec moi plutôt que trimballée de classe en classe. En plus, je pense pouvoir dire qu'elle maîtrise à peu près bien le 'programme' de petite section. Mais qu'en serait-il si elle était en CP? ou au collège? dans mon métier, j'ai pu voir à plusieurs reprises des classes de troisième sans prof de français pour 2 mois. Abérrant. Je ne sais pas quelle serait ma réaction si l'une de mes filles était dans cette situation.
Alors oui, l'école est en danger. L'école souffre. Et nos enfants avec. J'ai entendu dire que dans le privé, les enseignants absents étaient remplacés de manière plus systématique. Mais je n'ai rien trouvé de concret pour confirmer(d'ailleurs si vous avez des expériences à ce sujet, ce serait gentil de m'en faire part dans les commentaires, ça m'intéresse!). Mais alors quoi? il faudrait mettre nos enfants dans des écoles privées pour qu'ils soient assurés de recevoir l'instruction à laquelle ils ont droit? Si j'ai choisi de travailler dans l'enseignement public, c'est que je trouve que l'école gratuite et obligatoire POUR TOUS est un sérieux atout dans une société. Je veux avoir confiance en l'école de la République. Je veux pouvoir me dire que mes filles,et de manière générale tous les enfants de notre pays, pourront s'y épanouir et découvrir leur voie, en toute égalité.
Mais je ne peux m'empêcher d'être pessimiste... quand on voit la détérioration continue de notre système éducatif, quand on sait que là-haut on favorise le chiffre à la qualité, je suis très inquiète.