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La vie en tisanie
4 mars 2013

Pourquoi j'aime....Le Liseur

lecteur

Après un petit tour du côté de l'Espagne et un petit passage en France, je me suis attaquée à de la littérature allemande, avec Le Liseur (Der Vorleser) de Bernard Schlink.

De quoi ça parle? Nous sommes en Allemagne, peu après le seconde guerre mondiale. Michaël, le narrateur, a 15 ans lorsqu'il tombe malade. Une femme lui vient en aide dans la rue. Elle a 35 ans et s'appelle Hanna. Une fois guéri, Michaël va chez Hanna pour la remercier. Elle l'initie alors aux plaisirs de la chair. Il reviendra chez elle 6 mois durant, et petit à petit, le rituel s'installe: elle lui donne un bain, ils font l'amour puis il lui fait la lecture. Hanna, femme imprévisible et mystérieuse, disparait un jour sans laisser de trace. Les années passent, Michaël devient étudiant en droit, et se rend au procès de 5 criminelles de guerre, parmi lesquelles il reconnait Hanna. Elle assiste à son propre procès sans y prendre part, se défend mal... et Michaël comprend alors son terrible secret, qu'elle cherche à tous prix à préserver. Et je ne peux pas trop en dire plus, sinon ça serait dévoiler trop de choses intéressantes à découvrir au cours de la lecture. Comment ça t'es frustré? ben va t'acheter le bouquin, et arrête de râler!

Pourquoi j'aime? La première partie ressemble à un roman d'apprentissage. Le jeune Michaël nous livre ses premiers émois, avec beaucoup de simplicité. Puis, lorsque l'on découvre le passé nazi d'Hanna dans la seconde partie du roman, il est confronté à nombre de questions: comment a-t-il pu aimer une criminelle? peut-il réussir à la comprendre? Ou au contraire, doit-il absolument la condamner? Les atrocités commises par les nazis sont présentes, mais ne représentent pas le principal sujet du roman- il ne s'agit finalement que du cadre. Hanna, qui a laissé des femmes juives bruler dans une église, qui en a envoyé tant d'autres au camp de la mort, ne s'excuse pas, ne s'explique même pas. Cela serait révéler son secret. Peut-on donc tout faire pour échapper à la honte? Ce roman aborde beaucoup de thèmes intéressants, et pose plein de questions: comment vivre et assumer un passé national si lourd?  les jeunes allemands peuvent-ils en vouloir à leurs parents? peut-on continuer à aimer une personne malgré les crimes qu'elle a commis? doit-on se sentir coupable des crimes commis par nos ancêtres? Et nous, qu'aurions-nous fait en temps de guerre?

L'écriture de Bernard Schlink est fluide, et simple, mais comme le récit est tourné vers l'introspection, il digresse énormément, et l'action laisse souvent place au questionnement. Il est donc facile de perdre le fil. Néanmoins, j'ai pris beaucoup de plaisir à lire ce superbe roman. Une adaptation cinématographique en a été faite par Stephen Daldry, avec Kate Winslet et Ralph Finnes. Je n'ai cependant aucune envie de la regarder, tant j'ai peur d'être déçue, comme souvent.

Quelques extraits du roman:

J’avais tant aimé son odeur, jadis. Une odeur toujours fraîche : de linge frais ou de sueur fraîche, une odeur de femme fraîchement lavée ou fraîchement aimée. Elle mettait parfois un parfum, je ne sais pas lequel, et il sentait aussi plus frais que tout. Sous toutes ces odeurs fraîches, il y en avait encore une autre, lourde, sombre, entêtante. Souvent j’ai flairé sa peau comme un animal curieux, je commençais par le cou et les épaules qui sentaient la toilette toute fraîche, j’aspirais entre les seins un effluve de sueur fraîche, qui se mêlait aux aisselles avec l’autre odeur, je retrouvais presque pure cette odeur lourde et sombre à la taille et au ventre, et entre les jambes avec une coloration fruitée qui m’excitait, je reniflais aussi ses jambes et ses pieds, les cuisses où l’odeur lourde se perdait, le creux derrière les genoux où je retrouvais le léger effluve de sueur fraîche, et les pieds avec leur odeur de savon ou de cuir ou de fatigue.

 

Je voulais à la fois comprendre et condamner le crime d'Hanna. Mais il était trop horrible pour cela. Lorsque je tentais de le comprendre, j'avais le sentiment de ne plus le condamner comme il méritait effectivement de l'être. Lorsque je le condamnais comme il le méritait, il n'y avait plus de place pour la compréhension (...) Je voulais assumer les deux, la compréhension et la condamnation. Mais les deux ensemble, cela n'allait pas.

 

Mais enfin l’on condamnait et châtiait quelques rares individus, tandis que nous, la génération suivante, nous nous renfermions dans le silence et l’horreur, de la honte et de la culpabilité : et voilà, c’était tout ?

 

"-Vous ne saviez pas que vous envoyiez ces détenues à la mort?

-Si, mais les nouvelles détenues arrivaient, et il fallait que les anciennes laissent la place.

-Donc, pour faire de la place vous avez dit: toi, toi et toi, vous allez être renvoyées et mises à mort?'

Hanna ne comprit pas ce que le président voulait lui demander.

-J'ai...je veux dire... qu'est-ce que vous auriez fait?' Hanna posait la question sérieusement. Elle ne savait pas ce qu'elle aurait dû ou pu faire d'autre, elle voulait donc savoir du Président, qui semblait tout savoir, ce qu'il aurait fait.

Il y eut un moment de silence.

 


PS: rien à voir avec la choucroute, mais je voulais souhaiter la bienvenue à la petite Emmanuelle...belle et longue vie à elle!

 

 

 

 

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Commentaires
N
A défaut d'avoir lu le livre j'ai vu le film...se pose la question de ce que d'autres auraient fait dans les mêmes circonstances...sans doute pas beaucoup mieux. L'angle est intéressant.
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