Tu seras toujours ma maman?
Voilà la question qui revient une vingtaine de fois par jour dans la bouche de Tisane depuis 3 semaines. Inlassablement, je réponds 'oui, toujours'. Parfois, une peu agacée: 'mais enfin Tisane, tu m'a posé cette question il y a 10 minutes! tu connais la réponse, enfin!'. Mais je savais bien que quelque chose se cachait derrière cette phrase anodine. J'attendais le moment où le coeur du problème sortirait. Et c'est sorti il y a quelques jours.
-Tu seras toujours ma maman?
-Oui, toujours.
-Mais.....quand tu seras morte...tu ne seras plus ma maman....
C'est donc ça qui turlupinait ma Tisanette...mon petit coeur...Je l'ai rassurée comme j'ai pu: Tu sais, je serai toujours ta maman, même quand je serai morte, je resterai pour toujours dans ton coeur et de là où je serai je veillerai sur toi, toujours.
Nous avons toujours répondu à ses questions sans aucun tabou, en employant des mots qu'elle peut comprendre. La mort s'est présentée à nous en septembre dernier, et nous lui avons dit la vérité, avec ses mots: Mémé avait un très gros bobo au coeur, et comme elle était très vieille, les médecins n'ont pas pu la guérir. Nous sommes tristes parce que nous ne la verrons plus, mais heureux car elle a rejoint ses frères et son mari. Elle restera pour toujours dans nos coeurs.
Régulièrement, elle nous reparlait de Mémé, nous posait des questions sur la mort. Et puis, il y a eu cette histoire, dans un magazine, de l'enterrement d'un poisson rouge.
Etonnement: Mais, quand on est mort, on nous met dans une boîte? On ne va pas au ciel?
Là ça devient dur...comment lui expliquer la dissociation entre le corps et l'âme? J'avoue ne plus me souvenir de ce que je lui avais alors répondu. J'avais probablement évité le sujet, j'étais sans doute passée à autre chose.
Et puis, hier soir, au moment de se coucher, les questions reviennent:
Mais quand je sera morte, j'ira dans une boîte, il fera noir, et je sera toute seule? et quand on va mourir, on sera toutes les deux? quand tu vas mourir je sera toute seule?
Je savais bien qu'avoir cette conversation avant d'aller au lit n'était pas une bonne idée. Mais je ne voulais pas esquiver, reporter. Car si les adultes refusent de répondre, c'est qu'il y a bien quelque chose de grave là-dessous, non? J'ai donc répondu, mais j'ai menti. Je lui ai assuré que je n'allais pas mourir avant d'être très très vieille, et que elle aussi serait alors une mamie. J'ai menti, car au fond, je n'en sais rien. Je peux avoir un accident demain, être confrontée à la maladie....J'ai lu dans un bouquin d'Isabelle Filliozat récemment qu'il ne faut pas cacher cette vérité, si dure soit-elle, à ses enfants. Mais je ne peux juste pas instiller cette crainte en elle. Cela me semble inhumain. Malgré mes mots rassurants, je l'ai sentie inquiète, et j'ai pensé qu'il ne faudrait pas attendre le matin pour un énorme besoin de câlin. J'avais vu juste...Tisane s'est réveillée en pleurant à minuit, pretextant une douleur quelque part. Mais mon coeur de maman sait bien qu'elle n'avait pas mal, qu'elle cherchait juste ma présence rassurante.
Aujourd'hui, mis à part avec sa sempiternelle question 'tu seras toujours ma maman?' la mort n'a pas fait irruption dans nos conversations. Je ne sais pas si mes explications ont suffi. Je ne sais pas non plus si je suis la bonne route, à vouloir lui dire la vérité sur ce sujet si délicat. Toute vérité est-elle bonne à dire pour de si petites oreilles?
Vous en pensez quoi, vous? à quel âge vos enfants vous ont-ils questionnées à ce sujet? vous êtes plutôt partisante de quel discours?