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La vie en tisanie
20 novembre 2013

Et puis j'ai pleuré

Voilà, cela faisait bien quatre ans que cela ne m'était pas arrivé. Hier, j'ai pleuré après avoir laissé partir mes élèves. J'ai fermé ma porte, me suis assise à mon bureau et ai laissé les larmes couler. Depuis 3 mois je me bats, je cherche, j'essaie. Depuis 3 mois je me plante. Je suis fatiguée, épuisée même de leur vulgarité, des insultes qu'ils se lancent à longueur de cours, de leur attitude menaçante, de leur incapacité à lever le doigt pour prendre la parole, de leurs bavardages incessants, de leur manque de respect. Tout ça me fatigue. Et je ne parle même pas du travail.

Mais voilà, j'enseigne trois heures par semaine à une classe de 5ème Segpa.

Qu'est-ce-que c'est que ça, la Segpa?

SEGPA, c'est pour Section d'Enseignement Général et Professionnel Adapté. C'est une section d'enseignement du collège, de la 6ème à la 3ème, mais les cours sont assurés par des professeurs des écoles pour la partie générale, et pour des professeurs de lycée pro pour la partie professionnelle. Des professeurs de collège interviennent pour l'anglais, la SVT, l'EPS, la musique et l'art plastique.

 La SEGPA est destinée aux élèves en grande difficulté scolaire, mais n'étant pas concernés par le statut de personne handicapée. Ces derniers relèvent de l'IME et de l'ULIS. Pourtant, dans mon groupe de 16 5èmes, j'ai une élève qui appartient à l'Ulis du collège, et un autre qui relève de l'IME.

Les enfants sont orientés en SEGPA après le CM2, parfois après une 6ème générale,  après des échecs scolaires constatés et persistants.

Ces enfants sont bien souvent issus de familles de cas sociaux. Leur échec scolaire est généralement la conséquence d'une grande misère sociale. Cette année, environ 50% de mes élèves vivent en foyer ou en famille d'accueil, les autres ont quasiment tous un profil identique : chômage, minimas sociaux, familles monoparentales. Tous ont un point commun : des parents absents ou démissionnaires. Et aussi des parents qui ne mesurent pas les difficultés qu'éprouvent leurs enfants à l'école.

Le vécu de ces ados est souvent très sombre: misère sociale, parent en prison, viol...Beaucoup vivent dans le dénuement le plus total, je suis parfois obligée de  faire cours fenêtres ouvertes pour pouvoir respirer.

Ces élèves ont une estime d'eux-mêmes très faible, voire inexistante. La plupart n'a aucune confiance en l'adulte et se trouve dans la confrontation permanente.

Au milieu de tout cela, je dois leur dispenser 3 heures de cours d'anglais par semaine. Pourtant, dans ma classe, deux élèves ne savent pas lire. La graphie est un gros souci pour beaucoup. Comment leur assurer un enseignement de qualité alors que je doute moi-même de l'utilité de leur faire apprendre une langue étrangère? Quand je pense qu'à la place de ces trois heurs, ils seraient mieux en atelier, ou en classe de français?

Bien consciente de leurs difficultés scolaires et sociales, j'ai essayé de m'adapter, de leur proposer des jeux, des poésies, des chansons. J'ai échoué. Je suis tombée dans l'autre pendant, j'ai même viré autoritariste, brandissant la menace de la sanction à tout bout de champs. Evidémment j'ai échoué. Ce qui fonctionne un jour part en vrille le lendemain.

Pourtant je suis persuadée que la solution existe quelque part. Il ne peut pas en être autrement.

Demain, je les retrouve, pour la troisième fois de la semaine. J'ai passé du temps, hier soir et aujourd'hui, à préparer d'autres armes. Mais je sens bien que je perds la foi et la motivation...

TRY

 

 

 

 

 

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Commentaires
B
Bon courage à toi!! J'espère que tu vas vite retrouver un climat de classe dans lequel tu te sens bien. Il faut revoir tes exigences à la baisse, ils n'auront sans doute pas le niveau requis mais tu auras fait de ton mieux, ne culpabilise pas par rapport à ça. Le projet sur la météo est une très bonne idée, il faut qu'ils manipulent, n'hésite pas à utiliser des supports avec des choses à colorier par exemple, en fin de séance ça permet un retour au calme. Je regarde ce que je peux te prêter et je te tiens au courant. Bise
E
J’avoue ne pas comprendre l’intérêt de l’enseignement de l’anglais en SEGPA alors que ces élèves ont des lacunes énormes en français et auront pour la plupart au mieux un CAP. J’imagine qu’il est très difficile d’enseigner dans ces classes car les élèves n’ont pas les mêmes lacunes et semblent désintéressés de l’école. Mon frère a était après la CLIS 1 scolarisé en SEGPA, il n’en garde pas un bon souvenir. Notamment à cause de la violence de ses camarades, mais aussi parce qu’avec du recul, il aurait aimé bénéficier d’enseignements plus fournis en SEGPA car certains professeurs découragés ne proposaient que des mots-mêlés ou de regarder M. Bean à chaque cours, l’obtention d’un CAP est alors difficile par la suite, surtout si les élèves en question ne peuvent pas bénéficier de soutien scolaire dans le cadre familial. <br /> <br /> La sanction à tout bout de champ ne me semble pas non plus une solution face à des élèves qui ont une importante mésestime d’eux-mêmes. Vous avez essayé de leur demander s’ils aimeraient étudier certaines choses en particulier ? Ça pourrait vous donner des pistes dans le choix des chansons à étudier ou les articles à travailler par exemple.<br /> <br /> Je salue votre implication et suis persuadée que certains de vos élèves y sont sensibles mais ne le montrent pas forcément. Bon courage ;).
M
Dans l'école de mes doudoux, le caïd de la cours de récré est un enfant en foyer d'accueil. Il est comme tu décris tes élèves. Il finira certainement dans ce genre de classe.<br /> <br /> Quand je vois déjà les ravages que peut faire 1 seul élève de ce type, je n'imagine même pas une classe entière :-(<br /> <br /> Et en travaillant sur des chansons qu'ils écoutent, tu crois qu'ils seraient un peu plus attentifs ?<br /> <br /> En tout cas, bon courage
P
Ca doit vraiment pas être facile... C'est normal de se remettre en question. Je te trouve très courageuse, il y aurait de quoi baisser les bras... <br /> <br /> Courage!!!
R
dans notre société, on nous demande de trouver des solutions pour tout, tout de suite.<br /> <br /> face à des enfants, il y a peut être une ou plusieurs solutions, mais il faut du temps pour les adapter. Pleurer, ça veut dire que tu prends ce travail à bout de bras, sans solution. demain ou la semaine prochaine, il y aura surement une étincelle ...<br /> <br /> patience
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